La Lettre des Arboristes n°16

janvier 2020

Planter des arbres ? Oui mais pas n’importe comment…

Muriel GALIA, avocate au barreau de Brest nous apporte son expertise

Les plantations se font souvent sans considération des règles, souvent méconnues, imposées soit par le code civil, soit par le code de l’urbanisme. Pourtant, s’il est loisible à chacun de planter les essences de son choix dans son jardin, encore faut-il s’assurer qu’elles ne sont pas génératrices de troubles pour les voisins ou assujetties à des prescriptions particulières.

Ce qu’impose le code civil :

L’article 671 du code civil impose de respecter une distance de deux mètres avec la ligne séparative pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et une distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.

Précision : Les plantations en espaliers sont possibles de chaque côté du mur séparatif mitoyen sans qu’une distance minimale ne soit prescrite. En revanche, ces plantations ne peuvent dépasser la crête du mur.

En cas de non-respect de ces distances, l’article 672 du code civil confère au voisin le droit de demander à faire arracher les arbres. L’article 673 du code civil va même jusqu’à instaurer un droit d’élagage c’est-à-dire le droit pour le voisin sur lequel débordent des arbres, d’obtenir leur taille, quand bien même les distances de plantations seraient respectées. Ce droit d’élagage est très protecteur des droits du fonds envahi par les arbres voisins, à tel point que la loi en a fait un droit imprescriptible. La loi est confortée en ce sens par la jurisprudence qui a précisé que le demandeur n’avait pas besoin de démontrer un intérêt légitime à élaguer. Ainsi, le seul dépassement des branches sur le fond voisin permet d’obtenir l’élagage.

Dans les espaces boisés classés, la coupe et l’abattage d’arbre sont soumis à déclaration préalable. Mais, même dans ces situations, la jurisprudence s’est prononcée en faveur de l’élagage lorsqu’elle n’emporte pas obligation de détruire les arbres (voir en ce sens l’arrêt rendu par la Cour la cour de cassation le 27 avril 2017 n°16-13953). Il convient donc que la survie des végétaux ne soit pas en cause. Cette jurisprudence est à mettre en perspective avec celle rendue le 7 juillet 2016 par la troisième chambre civile (n°14-28843) dont il ressort pourtant que le droit à élaguer prime sur le maintien des arbres. Il convient donc d’attendre un positionnement plus clair du juge judiciaire.

La jurisprudence récente apporte parallèlement quelques précisions sur l’application de la règle. Ainsi, la cour de cassation est notamment venue préciser, par un arrêt rendu par la troisième chambre le 20 juin 2019 (n°18-12278), que seuls les fonds contigus sont concernés par la possibilité de contraindre à la coupe des branches dépassant sur son terrain. Dans cette affaire, une voie publique séparait la propriété voisine de celle sur laquelle était planté un cèdre dont les branches surplombaient le terrain voisin.

Le contentieux en la matière est vaste. En effet, outre le risque de détérioration de murs privatifs du fait des racines, les branches peuvent faire perdre des vues ou de l’ensoleillement de nature à déprécier certains biens. De surcroît, les arbres peuvent constituer un risque de chute pouvant porter atteinte à la sécurité des biens voire des personnes. Le cabinet accompagne ainsi ses clients au mieux de leurs intérêts. Nous privilégions toujours une issue amiable afin de chercher à préserver de bons rapports de voisinage. Une mise en demeure de se conforter à ses obligations est de mise. A défaut de règlement amiable, le Tribunal est saisi et parfois même des expertises judiciaires sont ordonnées. Il ne faut pas négliger l’importance de ces phases qui doivent, certes, permettre d’obtenir une décision de justice favorable à notre client, mais doivent surtout permettre d’obtenir une décision exécutable.

J’ai pu constater que les notions d’élagage/abattage/extraction sont mal maîtrisées par les professionnels du droit. Le cabinet n’hésite pas à faire appel à des experts arboristes afin qu’ils remettent des rapports de nature à vulgariser les notions en fonction de l’affaire et à expliquer les prescriptions ou préconisations pratiques en matière arboricole. Tel a été le cas notamment dans un dossier dans lequel le cabinet a obtenu que la Cour d’Appel de Rennes, par un arrêt du 21 septembre 2018, infirme un jugement du 10 janvier 2017 rendu par le Juge de l’exécution de Brest. Notre cliente a ainsi obtenu :

  • le débouté de la demande de liquidation d’astreinte formulée en première instance par notre contradicteur,
  • la fixation d’une astreinte à l’encontre de la partie adverse afin qu’elle soit incitée à l’exécution de ses propres obligations.

En cause, l’exécution d’un jugement rendu par le Tribunal d’instance de Brest le 17 mars 2016 ayant condamné une personne à abattre un chêne centenaire et à traiter chimiquement sa souche, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Parallèlement, l’adversaire était condamné à arracher les plantations et rhizomes de bambous et à réduire les hauteurs des plantations, sans aucune astreinte.

Les parties n’avaient pas jugées utiles d’interjeter appel de cette décision malgré pourtant l’apparente inégalité des condamnations fixant pour l’un et non pour l’autre une astreinte en cas d’inexécution.

Suite à ce jugement, la première partie a fait abattre le chêne puis traiter chimiquement la souche par un professionnel et ce, dans les délais prescrits par le jugement du Tribunal d’instance. Au contraire, la partie adverse n’a jamais supprimé les plantations de bambous et les rhizomes envahissant le terrain de sa voisine. En dépit de sa défaillance, cette partie n’a pas hésité à saisir le Juge de l’exécution pour obtenir la liquidation d’une astreinte de 6 150 euros, arguant de l’absence d’abattage du chêne.

Facile diriez-vous de constater l’exécution de l’abattage d’un chêne et du traitement chimique de sa souche ? Et bien non, le Juge de l’exécution a manifestement confondu les notions d’abattage d’un chêne avec celle d’extraction de la souche. La voisine de bonne foi fut donc condamnée à payer l’astreinte.

C’est dans ce contexte que notre cabinet a été saisi de la défense des intérêts de cette personne. Il n’était plus question de contester la décision rendue par le Tribunal d’Instance de Brest, laquelle était déjà, depuis longtemps devenue définitive. Toutefois, la condamnation de notre cliente au paiement d’une astreinte pour inexécution d’une décision exécutée avec soin était ubuesque et méritait qu’on interjette immédiatement appel du jugement rendu par le Juge de l’exécution.

Il aura fallu que nous fassions intervenir pas moins de deux experts arboristes et un huissier de justice afin de démontrer que l’arbre était abattu tant physiquement que chimiquement. Sachant que le jugement du Tribunal d’instance avait ordonné l’abattage de l’arbre et non pas l’extraction de la souche, l’exécution était bien conforme. Enfin, cet appel a été l’occasion de mettre en avant la défaillance de l’adversaire à exécuter sa propre condamnation et de solliciter auprès de la Cour à ce qu’une astreinte soit fixée afin de l’inciter, cette fois, à s’exécuter.

En l’espèce, nous avons obtenu que justice soit enfin rendue.

Même si cet arrêt peut sembler exceptionnel, il ne fait pas de doute que les questions relatives aux plantations entre voisins sont souvent sources de conflits. Ces derniers, bien que tranchés par un Tribunal peuvent donner lieu à des difficultés d’exécution. Il convient de s’armer de patience et d’un bon conseil.

  • Le propriétaire d’un arbre, même planté à distance légale, est responsable des dommages causés par les racines s’étendant aux héritages voisins. Ces dommages peuvent même justifier l’abattage de l’arbre lorsque le dommage subit est constitutif d’un trouble anormal de voisinage.
  • Un propriétaire ne peut être condamné par avance à un élagage annuel de sa haie afin que celle-ci respecte les hauteurs réglementaires.
  • Le cahier des charges d’un lotissement peut prévoir des règles de distance et de hauteur différentes que celles prescrites par le code civil.
  • La hauteur des végétaux à prendre en compte est la distance du pied au sommet.
  • La distance légale se compte de l’axe médian du tronc jusqu’à la ligne séparative des propriétés.

PAROLE D’EXPERT

Le réseau Qualiarbre regroupe des entreprises d’élagage mais également des experts arboricoles. C’est le cas de la société Alternatives Végétales, basée à Questembert (56) et gérée par Bruno Le Dû. Il partage avec nous son expérience sur la gestion des litiges de voisinage.

Voici un cas pratique de discorde de voisinage. La photo ci-dessus montre que le propriétaire a fait tailler son cèdre par un professionnel de manière à respecter la loi sans trop déséquilibrer l’arbre. Toutefois, le voisin estime que l’arbre a été planté trop près de sa limite de propriété et dépasse donc les deux mètres de haut requis. La hauteur de l’arbre et son ampleur lui cachent le soleil.

Quelles sont les règles de distance et de hauteur ?

L’article 671 du Code civil détermine les distances à respecter pour la plantation d’arbres. Deux situations sont à distinguer :

  • soit il existe un règlement ou un usage local déterminant la distance à respecter dans la commune
  • soit il n’existe pas de règlement ou d’usage. Dans ce cas, la distance entre l’arbre et la limite de la propriété est de deux mètres pour les arbres de plus de deux mètres de haut et de cinquante centimètres pour les arbres dont la hauteur est inférieure à deux mètres

Dans notre cas, un expert géomètre a été désigné par le tribunal compétent et celui-ci a déterminé que l’arbre se tenait à 2m06 de la limite de propriété.

Justifiant que ces six centimètres étaient douteux, nous avons dû aussi procéder à une étude dendrochronologique pour dater l’arbre.

Petit rappel : il existe des exceptions lorsque l’arbre a été planté il y plus de 30 ans. En effet, le voisin ne peut pas exiger qu’un arbre trentenaire soit arraché ou coupé même s’il ne respecte pas les distances et hauteurs établies par la loi (article 671 du code civil).

La dendrochronologie nous a aussi donné une juste limite puisque le résultat trouvé est de 35 ans. Ce test reste malheureusement le seul exact mais la méthode par carottage est très intrusive pour l’arbre et doit dans tous les cas se faire en dernier recours.

L’avis d’Alternatives Végétales :

Combien d’arbres sont plantés sans discernement et sans vision à long terme ? Que ce soit un particulier ou un professionnel du paysage, il est primordial de songer à l’avenir de l’arbre.

Une réflexion et un accompagnement de la part des pépiniéristes et paysagistes doit être envisagé en premier conseil, choix des essences en fonction des sols, et dans notre cas de la croissance et de la place de l’arbre dans les 10 à 50 ans et plus à venir.

LES RENDEZ-VOUS QUALIARBRE

« SALON PAYSALIA » À LYON

Mercredi 4 et jeudi 5 décembre, les adhérents Qualiarbre se sont retrouvés à Lyon à l’occasion du salon Paysalia édition 2019.

Après un déjeuner convivial le mercredi midi, nous nous sommes dirigés à l’école de design Lyonnaise STRATE qui nous a fait le plaisir de nous accueillir dans leurs locaux afin de présenter nos intervenants à l’ensemble du groupe.

Frank MAINARD nous a présenté son projet : ARBRES & PATRIMOINE, un magazine d’articles techniques et scientifiques de l’arbre. Qualiarbre devrait s’associer prochainement à ce projet et écrire des articles qui seront publiés dans ce nouveau magazine.

Jean-François Uliana – Service Arbres de la Métropole de Lyon – est intervenu sur le thème : L’éco système sous couronne. Beaucoup d’échanges ont découlé de cette présentation. De nombreuses questions sur ce que dit la loi ont également été posées, ce qui nous a amené à contacter Madame GALIA pour nous éclairer davantage sur ce sujet.

Le lendemain, l’ensemble du groupe s’est dirigé vers le parc des expositions pour visiter le salon Paysalia.

Nous avons rencontré nombreux de nos fournisseurs et partenaires (Stilh, Petzl, Courant etc) afin d’échanger sur notre année 2020.